Il faisait chaud ce jour-là en Inde. Normalement, on devrait être en hiver si l'on suit les origines de la petite Harpie (oui, dans l'hémisphère nord, on est bien en hiver). Mais ce n'était pas le cas, au contraire. Elle s'était donc habillée en conséquence : elle portait une petite robe légère aux couleurs rouges et or, fendu au niveau du dos pour laisser passer son aile. Pour couvrir sa tête, elle s'était procurée un chapeau de paille dont elle avait découpée deux fentes, une dans chaque bord, afin d'y glisser les plumes de son crâne. Après une curieuse mission en Europe, elle était rentrée chez elle et avait décidé de se documenter un peu plus, s'étant rendu compte qu'elle ne possédait que trop peu de connaissance en matière de dieux et déesses, mais aussi en matière de viticulture. Dyonisos semblait considérer avec une grande importance ce breuvage fabriqué à partir de la simple grappe de raisin... Ainsi, elle s'était procurée un livre (en anglais) qui lui expliquait comment le jus de raisin était transformé en vin. Bien entendu, qui dit lecture dit endroit où lire calmement. Elle s'était, donc, installée dans un arbre non loin des bâtiments principaux. Après tout, son aile et ses plumes étaient exposées à la vue de tous. Elle ne voulait pas causer un nouveau fiasco comme la dernière fois à Gandhinagar... Désormais, elle agissait avec la plus grande prudence dans ce pays où ni les Héros ni les femmes avaient la vie facile.

L'avantage, c'était que, là où elle se tenait, on ne pouvait pas la remarquer, à moins de regarder directement dans sa direction. Non loin d'elle, une voix méconnu s'était fait entendre... Elle l'entendit poser une question à un des employés du vignoble... Question dont elle semblait être directement concernée, était la seule créature ressemblant plus ou moins à une Harpie dans les parages (ou alors Veena s'est encore amusée avec son pouvoir). Interloquée, avant même que le jeune homme ne réponde, Calynne se laissa glisser sur sa branche, se tenant uniquement à l'aide de ses jambes d'oiseau, la tête à l'envers.

« HEY M'SIEUR ! C'est moi que vous cherchez ? »

Souci, elle avait oublié qu'elle était en robe. Celle-ci dévoilait à présent sa petite culotte, rendant rouge de honte et de gêne l'employé qui se retourna en lâchant quelques jurons dans sa langue natale, déplorant le manque de bienséance des Héros et des jeunes filles d'aujourd'hui. De toute manière, Calynne ne resta pas longtemps dans cette position, car un craquement sinistre se fit entendre... Sa figure de cirque avait fait plier la branche qui céda soudainement sous le poids de la Harpie. Celle-ci lâcha un hurlement comparable à celui d'une poule effrayée avant de s'effondrer au sol, la branche pendant mollement au-dessus d'elle. Quelques plumes rouges volèrent tout autour d'elle alors qu'elle se relevait difficilement en se frottant la tête. Deux de ses plumes de crane s'étaient pliées sous le choc.

« Aïe... ça fait mal... »

Elle regarde l'arbre en soupirant, sachant qu'elle allait sûrement se faire gronder... encore. Calynne ramassa son livre et fit fasse au jeune homme. La première chose qui la frappa était sa taille... Il était grand et plutôt beau, il faut le dire. Son cache-oeil lui donnait un air de mauvais-garçon qui plaisait beaucoup à la petite Harpie. Mais il était à sa recherche a priori et cela ne signifiait rien de bon. Du coup, elle restait sur ses gardes de peur qu'il soit venu pour punir ses mauvaises actions.

« Bonjour ! Je m'appelle Calynne... Vous me cherchiez donc ? »

Elle gardait quand même son sourire. La petite Harpie agita son aile pour en retirer la poussière tout en s'époussetant les bras et le corps.

« Désolé pour cette entrée... »

La réaction du jeune homme ne se fit pas attendre… Mais elle fut totalement inattendu. Calynne eut un mouvement de recule sous la surprise. Elle aurait dû s’y attendre. Encore une fois, ce jeune homme venait d’avoir une réaction plutôt cavalière, tel un prince essayant de courtiser sa princesse en lui promettant la mort de ses ennemis. Cette réaction ne fit que faire monter le rouge aux joues (et aux plumes) de Calynne qui ne s’attendait absolument pas à une telle réponse.

« Euuuuh… pardon ?... »

Bien que Calynne était du genre très naïve, la façon qu’avait le jeune homme de lui parler semblait tout à fait naturelle. Visiblement, Tane ne voulait pas l’effrayer. Une femme ordinaire se méfierait sûrement très vite d’un tel énergumène, mais la Harpie, elle, était quelque peu séduite par ses manières. Il s’excusa après avoir prit un temps d’inspiration. La petite femme à plume se mit à rire bêtement.

« Ahah, non ne vous inquiétez pas. Il en faut bien plus pour me faire peur. »

Après tout, quelques jours plus tôt, elle venait de rencontrer une Chasseresse qui, elle, pouvait vraiment faire peur si elle le voulait. Non là, Tane est un phénomène totalement différent. Le rouge ne quittait plus les joues et les plumes de la jeune femme. D’un autre coté, elle labourait un peu nerveusement le sol du bout de ses griffes alors qu’il la rassurait petit à petit. Finalement, ce fut un sourire sincère qui étira les lèvres de la jeune femme. Un stratège très chevaleresques à priori ?… Cela lui plaisait beaucoup. Mais quel était le but de sa tactique ici même alors ? Elle allait lui poser la question lorsqu’il prit sa main et la leva doucement. Son visage devint totalement rouge alors que ses yeux jaunes se plantaient dans l’unique œil bleu du jeune homme.

« R… Ravissante ?... »

Son regard se posa sur les lèvres du jeune homme... Elle pouvait lui demander tout ce qu'elle lui voulait ? Vraiment tout ?... Son esprit adolescent imagina tout un tas de choses qu'elle pourrait lui demander... Tane était un très beau jeune homme, intelligent et beau parleur, tout ce qu'il fallait pour que la petite Harpie lui tombe dans les bras. Sa main, à la fois forte et douce... sur son corps.

« Meurtre ?... Torture ?... Je ne demanderai jamais cela à personne vous savez... Je déteste tuer... Je... j'aimerais... »

Les pensées impures continuait à défiler dans son esprit. Finalement, une idée simple l'aida à se décider. Elle ne voulait pas passer pour une perverse même-ci, de toute évidence, elle en était une. Mais il s'agissait d'une part d'elle-même qu'elle réfutait, préférant passer pour l'oisillon doux et innocent qu'on lui connaissait.

« Vous pouvez m'offrir un verre ?... C'est comme cela que l'on invite une femme, je crois, non ? »

Elle sourit doucement et ajoute, timidement :

« Moi aussi j'ai beaucoup de questions à vous poser de toute manière. Déjà, comment m'avez-vous trouvé ? Et pourquoi je vous intéresse tant ? »

Calynne avait beaucoup de mal à garder son sérieux. Le contacte avec la peau de Tane l'avait rendu toute chose. Le rouge ne baissait pas sur ses joues et elle espérait qu'un bon verre et une conversation plus sérieuse l'aiderait à se calmer et à se remettre les idées en place.

La petite femme pencha doucement la tête à ses paroles. En effet, elle n’avait jamais pu se promener librement en montrant ses plumes sans être, au mieux, montré du doigt. Bien que les Hommes aient eut le temps de s’accoutumer au retour des Dieux et Héros en trente ans, ceux-ci étaient encore mal vu, d’autant plus lorsque leur pouvoir se manifeste directement sur leur corps.

Elle le tenait au bras parce que, en effet, elle aimait bien l’idée d’avoir un rencard, n’excluant pas la possibilité à ce que le garçon devienne un ami… voir plus. Après tout, n’est-ce pas à cela que servent les rencards ? Si lui voulait la jauger au niveau de ses capacités, Calynne voulait jauger sa personnalité de son côté. Il avait l’air digne de confiance au premier abord, mais elle avait besoin de le connaitre un peu mieux. Lorsqu’il cita les paroles de sa mère, la petite femme lui offrit un sourire radieux et lui lança, l’air un peu malicieux :

« Ta mère est une femme sage ! »

Ce qui la fit rire légèrement (ne sachant pas encore que sa mère est décédée), mais, en réalité, elle était touchée par l’interprétation qu’il avait de la féminité. En tout cas, d’après ses dires, sa femme ne sera pas une personne malheureuse. D’un coup, elle se rendit compte que le jeune homme avait, probablement, une petite amie. Après tout, s’il se comportait ainsi avec toutes les femmes, comment pourrait-il encore être célibataire ? Mais, la petite Harpie ne fit pas de conclusion hâtive et écouta l’histoire du jeune homme avec attention. Alors il venait de Tahiti ? Bien entendu, Calynne en avait beaucoup entendu parler. Ce garçon serait donc né dans un véritable petit paradis ?... Mais, pourtant, au fur et à mesure, elle comprit que ce n’était pas le cas. Il avait eu une vie difficile. Rejeté par son père, sa mère ayant fini par mourir, il était passé de famille en famille sans pour autant trouver sa place, s’occupant de son petit frère qui le suivait. Elle trouvait cela d’une grande tristesse au point que ses plumes se couchèrent sur son crâne…

« Je suis vraiment navrée pour ta famille… »

Elle lâcha doucement son bras et l’observa… Lorsqu’il fit apparaitre le sabre, ses plumes eurent un sursaut de surprise sur sa tête.

« WAOOOOOW ! C’est trop classe ! »

Il n’y a pas à dire, elle trouvait sa magie vraiment impressionnante. Sa magie ressemblait un peu à celle de Veena à ceci prêt que, au lieu d’invoquer des animaux, il invoquait des armes. Néanmoins, à son explication, elle revint se glisser timidement à coté de lui, prenant son bras délicatement avec ses petites mains.

« Ça a l’air dangereux… Et offensif comme feu. Tu ne peux faire apparaitre que des armes ? »

Mais elle ne pouvait pas juger une personne à son pouvoir. Après tout, ses propres plumes pouvaient découper un corps humain aussi aisément que la lame d’un sabre japonais. Elle sourit néanmoins et hoche la tête, commençant son récit.

« Eh bien… Pour commencer, je ne connais pas mes parents. J’ai grandi à l’orphelina de la Nouvelle Orléans. J’ai presque été élevée par notre infirmière, Laura Hantsuki. J’ai… vite appris que j’étais différente en voyant que les autres enfants n’avaient pas de plumes. » Elle rit bêtement à ce souvenir. « Mais ma présence leur faisait prendre conscience que nous autres, Héros, sommes comme eux. J’ai fini par partir l’année dernière afin de trouver ma voie et… mes pas m’ont conduit ici, en Inde. Parce que je voulais protéger la nature en priorité même si j’aimerais soigner les injustices de ce monde à terme… Mais ça… »

Elle regardait ses pattes en baissant la tête. Elle ne croyait plus trop en son rêve après l’enseignement de Veena et sa mésaventure avec Karen… Le monde semblait bien plus malade qu’elle ne l’avait cru.

Elle cru le sentir frissonner lorsque ses mains étaient revenue en contacte avec son bras. Mais peut-être n’étais-ce qu’une impression ? En tout cas, elle se sentait bien en le tenant ainsi. La petite Harpie se sentait en sécurité prêt de lui. A son explication concernant son feu, elle baissa doucement les oreilles… Et elle, alors, à quoi était-elle prédestinée ? Comme dit précédemment, ses plumes sont très dangereuses. Repensant aux paroles de Karen, Calynne refusait d’utiliser son pouvoir à son maximum dans le but de blesser ou tuer, même si elle l’avait déjà fait une fois pour sauver la dite rouquine. Mais il était hors de question pour elle de recommencer. Tane lui-même semblait attristé par son propre feu. Néanmoins, bien qu’offensif, il avait quelque chose de rassurant entre les mains de ce garçon qui semblait à la fois si doux, si sympathique et tellement protecteur. Au moins, il en ferait bon usage.

Plus elle passait du temps avec lui, plus il semblait sincère avec elle. Ce garçon l’écoutait avec enthousiasme et paraissait faire de son mieux pour la comprendre. Si il la manipulait, il était vraiment très très doué… Mais elle ne voulait pas y croire… Encore moins lorsqu’elle sentit sa douce caresse sur sa joue qui la fit frissonner à nouveau. Il était d’une douceur avec elle… Jamais la harpie n’aurait imaginé, un jour, qu’un garçon puisse être aussi délicat. Elle releva doucement la tête, le regardant avec des grands yeux rond. Ses paroles, elle ne les oubliera sûrement jamais. Elles lui confièrent une énorme confiance en elle même et en l’avenir… Les yeux brillant, elle hocha la tête.

« OUI !… Nous arriverons à faire changer les choses… Enfin, peut-être pas nous, mais nos enfants… enfin pas nos enfants entre nous… enfin je veux dire… ROOOOOH ! »

Elle était devenue cramoisie à nouveau. Étant déjà plutôt gauche en temps normal, elle l’était encore plus en présence de son chevalier servant. Il l’avait, décidément, bien séduite au point qu’elle avait l’impression de faire des sous entendu à chaque phrase. Elle reprit alors plus doucement.

« Je veux dire… peut-être que si l’on transmet de bonnes valeurs aux générations à venir, nous pourrons faire changer les choses au fur et à mesure… Il faudra juste être patients... »

Et elle y croyait… Même envers les dieux. Après tout, déjà aujourd’hui, elle connaissait un Héro qui n’hésitait pas à gronder son propre dieu tant il est fainéant. Cette pensée lui tira un sourire. Tout le monde peut, non, doit changer… Même les dieux. C’est ensemble, humains et dieux à nouveau unis, que les choses peuvent avancer dans le bien… ou dans le mal. Mais elle balaya cette dernière possibilité d’un revers de la main.

La route se passa bien jusqu’au salon de thé. Calynne riait à presque chaque paroles de Tane qui semblait faire de son mieux pour qu’elle maintienne son sourire sur ses lèvres. Mais, arrivés au salon de thé, tout les regards se tournèrent vers les deux jeunes gens… La petite harpie se rendit compte qu’elle ne portait pas sa cape… Son aile et ses plumes étaient explosés aux yeux de tous. Même-si elle commençait à être connue dans le coin, tout le monde ne l’acceptait pas forcément. Timidement, elle s’installa à une table mais… Tane lui tira sa chaise avec galanterie. A nouveau, rien qu’à ce geste, il ne restait plus qu’eux deux dans le salon de thé aux yeux de la femme à plume. Elle rosit et le remercia, remettant timidement sa mèche derrière ses plumes. Mais sa question la déstabilisa d’autant plus. Elle devint à nouveau toute rouge et se mordilla la lèvre. Néanmoins, elle voyait là comme une ouverture… Un moyen de lui montrer, indirectement, qu’il lui plaisait :

« Eh bien… à vrai dire non… Je n’ai jamais eu personne dans ma vie. A l’orphelinat, nous étions comme des frères et sœurs. Je ne suis arrivée ici qu’il y a quelques semaines et… je n’ai pas encore trouvé le temps de flirter… Enfin… jusqu’à aujourd’hui disons ?... »

Elle se pokait deux doigts l’un contre l’autre… Elle aimait autant les garçons que les filles et ne comprenait pas les gens qui aimaient juste un sexe ou l’autre, ou pire, ceux qui trouvaient l’homosexualité comme une chose immonde et déplacée. Calynne avait eut envie, en quittant l’orphelinat, de profiter de la vie et de tout ce qu’elle avait à offrir pour le bien du monde, mais aussi pour son plus grand plaisir personnel (d’où le choix de Dyonisos). Mais… à présent, elle n’en était plus aussi sûr. Tane lui plaisait beaucoup plus qu’elle même ne voulait le croire. Le bout d’une de ses mèches avait prit une teinte bleu cyan durant une petite seconde avant de s’estomper…

« Et toi ?… Tane… Je veux dire… tu es quand même… un beau garçon… et séduisant… » Elle devenait à nouveau cramoisie de peau et de plume. « … tu dois… avoir une petite copine n’est-ce pas ?… ou un copain ?... »

Elle posait la question, toujours en se tapant le bout des indexes entre eux. En vérité, elle espérait franchement qu’il allait lui répondre « non ». La harpie, qui ne cherchait que le charnel il y a peu, commençait à se sentir intéressé pour plus… bien plus envers le jeune chevalier.

La petite femme était, d’hors et déjà, toute gênée, mais dans le bon sens du terme. Elle ne savait même pas que l’on pouvait se sentir gênée et en apprécier la sensation. Un frisson la secoua doucement lorsqu’il lui offrit, une fois de plus, son large sourire. Jamais encore personne ne l’avait faite se sentir ainsi. Calynne se sentait comme prise d’un malaise prêt de se garçon, et pourtant elle ne voulait pas qu’il en soit autrement. Cette étrange sensation lui plaisait… Elle aurait juste aimée que son stresse se calme un petit peu, mais elle était trop nerveuse pour cela. Ses plumes avaient commencé à s’agiter sur sa tête, battant l’air avec de petits battements secs. Sa réponse ne fit que la faire rougir un peu plus… Alors il n’avait personne ?... Sans pouvoir se contrôler, un large sourire s’étira sur ses lèvres alors que, d’un geste distrait, elle remit une de ses mèches rouges en place. Il s’agissait plus d’une excuse pour s’occuper les mains que d’un geste vraiment utile (même si les battements secs de ses plumes de crâne la décoiffait petit à petit).

« Oh… Oui… Probablement… »

Elle ne trouvait plus ses mots. Son cerveau travaillait déjà bien trop, analysant avec soin chacun de ses mots, se remémorant son sourire, sa façon de parler, sa voix... Le fait qu’il l’appelle « Princesse » lui plaisait déjà énormément et elle était, malgré tout, sincèrement surprise qu’il soit seul. Après, avec les impératifs de sa famille et de son travail, cela semblait, en effet, difficile. De plus, s’il tenait à sa liberté, cela n’aidait en rien car beaucoup de femmes aimaient avoir leur compagnon auprès d’elles… Ce que la Harpie pouvait comprendre. Mais elle ne pouvait empêcher qui que ce soit de voler de ses propres ailes et, si elle venait à tomber amoureuse, elle ne mettrait surement pas son amant (ou sa maitresse) en cage. De toute manière, en tant qu’Héro, elle-même sera amenée à voyager et elle aussi tenait à sa liberté.

Soudain, une main posée sur la sienne la tira de ses songes. Ses plumes se dressèrent et elle leva les yeux. Le jeune homme lui tenait la main, son regard d’un violet profond planté dans le sien. Il lui fit alors une demande… Une demande à laquelle elle ne s’attendait pas.

« Que… Moi ?... Ici… Maintenant ?! »

Elle serra légèrement sa main, comme-si, d’instinct, elle avait peur que sa réaction ne le fasse lâcher… Non, elle ne voulait pas le lâcher, surement pas ! Mais, elle ne pouvait plus tenir son regard et se détourna. Tout le monde dans le bar les regardait… Et elle voyait bien que l’on murmurait sur eux. Ce qui la surprenait était que Tane se comportait comme s’ils étaient seuls au monde… Malgré tous ces gens qui la regardaient comme une bête de foire… Calynne tourna à nouveau son regard vers le jeune homme. Comme la première fois qu’il l’eut regardé, le Chevalier la regardait avec une profonde tendresse, sans à priori, juste comme s’il avait une charmante princesse fasse à lui… Elle se mordit la lèvre un instant, reprit son souffle et, alors que ses plumes se couchèrent sur son crâne, la Harpie s’avança doucement à mi-distance entre eux deux et lui murmura, lui tenant toujours la main.

« Tu… tu peux… »

Elle ferma les yeux, ne lui demandant pas pourquoi cette question aussi soudaine qu’inattendu. Depuis leur rencontre, quelques dizaines de minutes seulement auparavant, elle aussi avait eu envie de l’embrasser… Ce garçon lui plaisait et, il semblait que, elle aussi lui plaisait. Calynne voulait juste se laisser aller un instant, en apprendre plus sur ce qu’elle ressentait pour lui, savoir si elle le désirait simplement ou si elle commençait à développer des sentiments... Bien qu’elle en connaissait, surement, déjà la réponse. Elle craignait juste pour son inexpérience… Jamais encore elle n’avait embrassé un garçon. La petite Harpie s’avança un peu plus, les yeux fermés, les plumes couchés sur son crâne, laissant les lèvres du jeune homme venir aux siennes, lui offrant ce qu’il avait demandé sur un plateau...

La noblesse dont Tane faisait preuve la touchait en plein cœur. Ce jeune homme possédait un esprit de chevalerie et un sens aigue du devoir et de la famille, ce qui ne faisait que renforcer cette attirance qu’elle éprouvait envers le garçon. Elle l’avait regardé, répondant à son tendre sourire. Elle préféra ne rien rajouter de peur de paraitre déplacée, mais Calynne ne voulait pas non plus perturber sa vie si elle lui plaisait telle qu’elle… Néanmoins, il paraissait juste qu’il prenne un peu de plaisir pour lui-même désormais.

Mais, en voyant son visage s’affaisser, elle regretta presque de lui avoir fait part de ce moment difficile de sa propre vie… A sa réponse, elle secoua les mains.

« Ah ne t’en fait pas !... Je n’étais pas malheureuse pour autant ! J’avais mes frères et mes sœurs. Et j’avais ma maman d’adoption, l’infirmière de l’orphelinat, Miss Mikazuki. »

Elle lui sourit doucement. D’ailleurs, la petite femme attendait toujours une réponse de sa maman d’adoption mais, à l’autre bout du monde, le courrier mettait du temps à aller et venir. Elle se laissa cajoler en attendant sa réponse qui ne tarda pas à se faire. Il approuva l’idée et l’embrassa à nouveau, faisant à nouveau rougir les joues de la petite Harpie. Elle n’eut pas le temps de lui proposer un peu d’aide pour payer les verres qu’il était déjà parti. Elle se leva, ajusta, un peu nerveusement, sa robe en l’attendant, le regardant payer, avant de lui prendre doucement la main en souriant.

« Oui ! Allons-y ! »

Et ils sortirent du salon de thé.

« Tu veux que je t’aide pour les boissons ?... Après tout, tu as tout payer… »

Elle se sentait un peu mal de l’avoir laissé payer les deux thés… Néanmoins, elle commençait à connaitre le jeune homme et elle se doutait qu’il refuserait qu’elle paie le moindre verre en sa compagnie, mais il était hors de question pour elle d’en abuser. Tane était un garçon adorable et elle voulait, tout de même, lui rendre la pareille.

« On peut se rendre en haut des coteaux de vignes… On aura une belle vue sur toute la vallée… Et dans l’ombre des arbres, on sera en toute intimité… »

Cette dernière phrase la fit rougir de plus belle… Elle se voyait déjà bécoter le jeune homme à l’ombre des arbres, car c’était tout ce qu’elle voulait. Mais bon, elle lui avait promit de lui montrer toute l’étendu de son pouvoir, alors elle allait le faire… entre deux baisers.