Lucius n’avait pas beaucoup de temps libre pour lui. Entre ses devoirs de chevalier auprès d’Athéna pour se repentir de ses péchés, et son métier de détective privé pour empêcher d’autres drames de se produire, il était souvent débordé. Il était habitué à ce rythme. Il le suivait depuis tant d’années qu’il avait la sensation de n’avoir connu que ça. Et puis, il était travailleur, ça ne le dérangeais pas, surtout quand il avait la sensation de faire quelque chose de bien, de rétablir la justice, ce en quoi il croyait. Mais il devait admettre qu’il était bon d’avoir un moment pour soi de temps à autres.

Aujourd’hui, c’en était un. Un jour de congé. Et il en avait profité pour voyager jusqu’en Amérique pour voir un ami. Peut-être serait-il moins débordé si ses occupations n’impliquaient pas autant de voyage ? Chevalier en Grèce. Détective privé en Italie. Et pour ses congés il partait en Amérique ? Au moins voyait-il du monde… Il devait avouer qu’étendre ses horizons de la sorte avait du bon. La loi, la justice, des concepts sur lesquels il est si aisé de se faire un avis tranché, et qui pourtant changent de façon si radicales pour peu que l’on franchisse une frontière invisible. La majorité, la peine de mort, les égalités des droits, la liberté… Ses voyages l’avaient amené à beaucoup se questionner sur cette relation floue entre moralité et légalité. Et donc, sur sa propre notion de la justice.
Il devait avouer qu’il n’avait pas encore trouvé de réponse satisfaisante à ses questionnements. « Qu’est-ce la justice parfaite ? » En tant que détective privé, il ne rendait pas justice. Il ne faisait que mener l’enquête, et la légalité plus que la moralité des faits rentraient en compte, car c’était ce qui serait prit en compte dans un tribunal. Mais il avait besoin de répondre à cette question tout de même. Pour lui-même. Qu’était la justice pour lui ? Que devrait-elle être ?

Il était plongé dans ses questionnements philosophiques en quittant l’immeuble des chasseurs et ne remarqua pas la forme humaine gisant au sol sur sa route. En conséquence, son pied se prit dessus et il s’étala de tout son long, tête la première, perdant toute son élégance en une fraction de seconde.
Mais il était un homme distingué. Aussi, il se releva aussitôt avec panache, réajustant ses vêtements avec une grande minutie, avant de se tourner pour voir ce sur quoi il avait prit son pied.
C’était… Une personne. Qui… Dormait à terre… Plutôt incongru. D’ailleurs, cette situation lui arracha un haussement de sourcil surpris. Mais il ne se départit pas de ses bonnes manières et exécuta une légère courbette en s’adressant à l’énergumène :

« Je vous présente mes plus sincères excuses. Je ne regardais pas où je posais les pieds, et il ne m’est pas venu à l’esprit que quelqu’un ait choisit de dormir à même le sol plutôt que dans le lit de l’un des appartements.

Ses propos pouvaient sonner railleurs. Ils pouvaient donner l’impression qu’il se moquer du comportement de Kehphren derrière une apparente politesse. Mais il n’en était rien. Lucius n’était pas du genre à se moquer ou à critiquer les gens. Du moins, pas de façon détournée. Non. Il s’exprimait le plus sincèrement du monde.

Lucius observa les oreilles et la queue du jeune homme alors qu’il se relevait en pestant entre ses dents. Aucun doute, c’était un héros. Il ne comprenait pas pourquoi il tenait à dormir sur un banc, après avoir dormit à même le sol. Il devait pourtant y avoir des endroits plus approprié, non ? Où il ne serait pas dérangé.

« Excusez-moi si je me montre intrusif, mais pourquoi ne dormez-vous pas dans un lieu plus privé ? Vous risquez moins d’être dérangé.

Il avisa à nouveau l’homme lion avant d’ajouter :

- A moins que, malgré les apparences, vous ne soyez pas un Apollon et n’avez aucun endroit où dormir ? Quoi qu’il en soit, ne vous excusez pas d’avoir dérangé mon passage, c’est moi qui vous suis rentré dedans.

Il entendit Lucifer grogner, dubitatif, mais n’y paya aucune attention. Quand il n’essayait pas de le convaincre d’utiliser son pouvoir, il était plutôt facile à ignorer.

- Vous n’avez pas l’air en forme, je ne peux pas vous laisser marcher seul jusqu’à un banc, vous risqueriez d’avoir un accident. Laissez-moi vous accompagner, cela sera plus sûr pour tout le monde !

Proposa-t-il avec bienveillance, posant une main sur son torse.

Le jeune homme-lion était, pour le moins, étrange aux yeux de Lucius. Il appréciait apparemment dormir dehors et le faisait pour chercher de la tranquillité ? L’italien n’avait pas la sensation que dormir dehors était quelque chose de tranquille, bien au contraire. Il l’observa s’étirer et bailler avant de s’incliner poliment pour se présenter ;

« Je me prénomme Lucius Luce. Je suis un chevalier d’Athena, et un détective privé. Mais je suis en congé aujourd’hui, alors je suis venu rendre visite à quelqu’un. Je n’avais, bien entendu, aucunement l’intention de vous déranger, et je m’en excuse.

Il se redressa en fronçant les sourcils, un voile d’inquiétude assombrissant soudain son regard ;

- Quand vous dites que vous dormiez dehors parce que les gens dans l’immeubles des Apollons veulent vous « faire faire des choses »… Est-ce… Est-ce que vous voulez dire… Que leurs demandes sont de nature illégale ?

Demanda-t-il brusquement. Il savait comment certains dieux- Apollon notamment- pouvaient être. Et pas seulement les dieux. Son frère avait souffert des années sans qu’il ne le réalise, il s’était promis de ne plus jamais aveugle à une victime en détresse.